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La Wallonie
Table générale des matières établie par Charles Lequeux

Charles Lequeux - La Wallonie

Genre : Bibliographie
Format : 16,5 x 25,5 cm
Nombre de pages : 44 p.
Date de publication : 1961
Prix : 6,20 €
Introduction par Marcel Thiry

À propos du livre (texte de l'Introduction)

Imagine-t-on de nos jours un garçon de dix-huit ans qui dès son entrée dans une université de province y fonde un cercle littéraire et publie un bulletin de ce cercle, et qui transforme ce bulletin, deux ans plus tard, en une revue dont un grand poète français va devenir le co-directeur, revue qui pendant sept années sera l'une des deux ou trois plus importantes de la jeune littérature française?

L'histoire littéraire a connu pareil épisode : celui d'Albert Mockel et de sa Wallonie. C'est en 1884 que Mockel, né en 1866, crée à l'université de Liège le cercle de l'Élan littéraire et son bulletin pour lequel il trouve des collaborateurs comme Hector Chainaye, Auguste Lameer et Fernand Severin, et où lui-même publie des vers encore réguliers, mais où l'on sent déjà, écrivait Oscar Thiry, «des envies de mordre et d'arracher le frein de la règle parnassienne». En février 1886, le bulletin du cercle cesse de paraître, Mockel en rachète la propriété et le transforme. Pour le transformer, il faut d'abord trouver un nom… Mockel le découvre dans un souhait de bonne chance que lui adresse Charles de Tombeur, un camarade hutois étudiant à l'université de Bruxelles. «Allez de l'avant, et Wallonnie avant tout!» lançait celui-ci dans sa Basoche en complimentant la jeune équipe de l'Élan littéraire prêt à se transformer. Mockel connaissait ce nom récent, qui correspondait bien à ses aspirations encore confuses vers un nationalisme défensif des Wallons; dès avant l'article de Tombeur il avait hésité à intituler sa revue future La Revue wallonne ou La Wallonie. Le cri d'encouragement de La Basoche emporta la décision, et le premier numéro de La Wallonie parut en juin 1886. Mockel avait vingt ans.

Il dirigea d'abord la publication nouvelle avec Gustave Rahlenbeck et Maurice Siville; Ernest Mahaim, le futur économiste, fut ensuite associé à la direction pendant quelques mois. En 1887, la revue accueille pour une réunion qui devait se rompre deux ans plus tard le groupe symbolique-instrumentiste des Écrits pour l'Art qui cessent de paraître, c'est-à-dire principalement René Ghil, Georges Khnopff, Stuart Merrill et Émile Verhaeren. Puis elle connaît un nouveau directoire : Pierre-Marie Olin partagera la tâche et les responsabilités d'Albert Mockel; il le fait avec fougue et ingéniosité, inventant de consacrer aux principaux collaborateurs une livraison entière, comme il inventera plus tard de fixer à l'avance la date — décembre 1892 où la revue devra cesser de paraître après un laps rituel de sept années. A partir de 1890, Henri de Régnier prend part à la direction effective, et le bulletin d'étudiants liégeois termine ainsi en grande revue française sa carrière éclatante.

Liégeoise, pourtant, La Wallonie l'était restée, et Albert Mockel ne manquait pas d'initier ses visiteurs français au folklore local, aux mystères du théâtre de marionnettes « en Roture » et aux fastes de la grande foire d'octobre. Il a portraituré dans un petit livre désinvolte, Les Fumistes wallons, tout le groupe pittoresque qu'il réunissait sur les bords de la Meuse, O'Chanvre qui est Olin, Austérin qui est Severin, Letribun qui est Célestin Demblon, Pékin qui est Siville, Mortembouche qui est Rahlenbeck et lui-même qui s'appelle Quelvocable... C'est un peu, l'amertume et les abîmes russes en moins, et avec l'immense différence qu'ici rien ne paraît pris au sérieux, Les Possédés peints par Dostoïevski. La foi wallonne, la foi wagnérienne et schopenhauérienne et même la foi symboliste sont traitées sur le mode badin et avec la plus gracieuse irrévérence.

Une table des matières apporte rarement, par sa seule lecture, le croquis aussi complet d'une époque et d'une école, en même temps que le résumé d'une aventure toute fleurie de jeunesse et d'un éclatant succès. L'énumération des collaborateurs de La Wallonie a été faite bien souvent, et on s'explique que tous ceux qui ont parlé d'elle n'aient pu se défendre de réciter ce rôle d'équipage dont les noms resplendissent comme ceux d'un armorial. Cette seule liste n'en dit-elle pas long sur l'oeuvre qui fut réalisée par Albert Mockel? Du côté belge, et pour ne citer que les protagonistes, avec les fondateurs Mockel, Rahlenbeck, Siville, Olin, avec les Liégeois Mahaim, Xavier Neujean (Reivax), Remouchamps, Delchevalerie, le peintre Auguste Donnay, Célestin Demblon, Maurice Wilmotte, avec les autres Wallons Hector et Armand Chainaye, des Ombiaux, Georges et Jules Destrée, Garnir, Krains, Stiernet, Vierset, on y voit Max Elskamp, Arnold Goffin, Georges Khnopff, Camille Lemonnier, Grégoire Le Roy, Maeterlinck, Georges Rodenbach, Henry Van de Velde, Verhaeren, tandis que Giraud et Gilkin font figure d'invités d'honneur. Et du côté français la cavalcade des grands noms est bien plus impressionnante encore : Barbey d'Aurevilly, Bourget, José-Maria de Heredia, Gide (sous sa signature et sous celle d'André Walter), Henri de Régnier, Maurice du Plessys, André Fontainas, René Ghil, Gustave Kahn, Tristan Klingsor, Bernard Lazare, Pierre Louys, Stéphane Mallarmé, Stuart Merrill, Jean Moréas, Charles Morice, Pierre Quillard, Adolphe Retté, Paul Valéry, Paul Verlaine, Francis Vielé-Griffin…

Cette mention distincte que je fais ici des auteurs français et des auteurs belges aurait d'ailleurs bien étonné sans doute Albert Mockel et ses amis. L'amalgame était si parfaitement réalisé que les nationalités s'oubliaient d'elles-mêmes. «Une pensée de jeunesse réalisée dans l'âge mûr» : pour Mockel s'impose une inversion de la formule célèbre. Cette sauvegarde du caractère français de sa Wallonie, qui fut la préoccupation de toute sa vie, il l'accomplissait dès ses vingt ans, et dans sa forme la plus nécessaire et la plus noble : non par une modification poli-tique, mais par la réunion fraternelle des esprits.

Le nombre de ces collaborations fameuses aurait pu ne donner qu'une figuration; nous connaissons bien ces films pavés de vedettes, et qui n'existent pas. Mais La Wallonie a la gloire d'avoir imprimé la première plusieurs textes essentiels du symbolisme. N'y eût-il, de Mallarmé, que Ses purs ongles très haut dédiant leur onyx ou bien Tout à coup et comme par jeu; de Valéry, que La Fileuse; d'Henri de Régnier, que La Licorne ou une suite d'Odelettes; d'André Gide, que Voyage au Spitzberg; d'Elskamp, que certaines des Salutations dont d'angéliques et de Mockel enfin que sa Chantefable un peu naïve, la revue liégeoise aurait sa place dans l'histoire des lettres. Elle a publié beaucoup d'autres pages qui sont restées importantes, et pendant sept ans sa chronique a été le brillant journal de combat de ce symbolisme dont elle représentait l'aile nordique et marchante.

Albert Mockel a mené cette bataille avec enthousiasme, mais avec esprit ; avec l'ardeur d'un grand prosélyte, mais avec la finesse d'un diplomate et la subtile maîtrise d'un homme du monde. Ce condottiere restait avant tout, comme l'a dit Henri Davignon, un gentilhomme de lettres. Sa suprême élégance fut pendant toute sa vie de dissimuler ce sacrifice de son oeuvre propre qu'il consentait au profit de son activité d'animateur et d'arbitre, ce sacrifice que nous voyons commencer en 1886, quand, signant tour à tour A., A. M., Ludwig Hemma, L. H., M. ou Trois-Étoiles, un Mockel protée emplit les colonnes de La Wallonie de ses comptes rendus critiques, de ses échos, de ses chroniques littéraire, artistique, musicale, de ses notes d'actualité, voire de ses articles de polémique, sans qu'apparaisse une seule fois combien il lui coûte de laisser attendre la muse de Clartés.


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