Académie Royale de Langue et de Littérature Françaises de Belgique
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Edmée de La Rochefoucauld

Edmée de La Rochefoucauld / Photo © Nicole Hellyn Membre étranger littéraire du 10 novembre 1962 au 20 septembre 1991.
Prédécesseur : Benjamin Vallotton
Successeur : Marie-Claire Blais
Fauteuil 34
BIOGRAPHIE

Edmée de Fels naît le 28 avril 1895 à Paris, près du parc Monceau. Son père a été, pendant plusieurs années, diplomate à Tunis. Il se consacre désormais aux travaux de l'esprit. Il a écrit une biographie de Jacques-Ange Gabriel, célèbre architecte de Louis XV, dont il a suivi les conseils pour les parterres de son château de Voisins, dessinés à la française. La jeune Edmée grandit dans ce milieu voué à l'art. Elle est la cadette de quatre enfants. L'un de ses frères, aviateur titulaire de plusieurs victoires aériennes, sera abattu en 1916.

En 1917, Edmée de Fels épouse un descendant d'une très ancienne et très noble famille, Jean de La Rochefoucauld, comte et duc par voie de succession. L'ancêtre direct de son mari a écrit les fameuses Maximes. Dans ce nouveau milieu, tout aussi épris d'art que son propre entourage, la jeune femme est attirée par toutes les manifestations de l'esprit. Elle s'intéresse aux mathématiques et publie en 1926 sur ce sujet Fonction de x et Nombre.

Mais c'est la peinture qui a sa préférence et elle suit les leçons de Lévy-Dhurmer. Sur les conseils de l'artiste, elle s'adonne au pointillisme, puis au chromatisme, technique laissant à l'œil le soin de mélanger la couleur sur la palette de la rétine. Elle abandonne cependant cette méthode de laboratoire pour en revenir à une peinture moins évanescente, dans laquelle elle atteint une grande maîtrise. Le portrait qu'elle a fait de Valéry et qui orne la couverture d'un des livres qu'elle lui a consacrés, Images de Valéry, justifie à lui seul la mention qu'elle obtient au concours de la ville de Paris. Pour la remercier, l'auteur de Monsieur Teste peindra une aquarelle où la duchesse est assise dans sa bibliothèque.

Edmée de La Rochefoucauld est aussi très attirée par la littérature. Dans sa jeunesse, elle a lu les poètes, les anciens comme les contemporains. À dix-sept ans, elle s'enflamme pour Francis Jammes et son lyrisme bucolique. Beaucoup d'hommes de lettres fréquentent la demeure paternelle. Abel Bonnard l'engage à publier après avoir pris connaissance de ses essais poétiques. Ses première œuvres paraissent chez l'éditeur Kra qui patronne conjointement les surréalistes. La duchesse se choisit un pseudonyme : Gilbert Mauge. Les influences de Valéry et de la mort dominent l'ensemble, qui a été réédité chez Gallimard (1956) dans un Choix de poèmes. La nature thématique de ses vers s'attache à la fin inéluctable des choses, à la rapidité du temps qui passe. Parmi ces plaquettes, La Vie humaine (1928) est sans doute celle qui définit le mieux sa sensibilité, proche de l'existence concrète.

La duchesse fréquente le monde et met à profit ses rencontres pour engranger souvenirs et témoignages. Pierre de Boisdeffre lui demande pour les Éditions universitaires, des ouvrages centrés sur des personnalités littéraires. Elle publiera les trois volumes d'En lisant les cahiers de Paul Valéry (1964). Elle écrira aussi une étude sur Fargue, et la biographie la plus vivante consacrée à Anna de Noailles. Dans plusieurs de ces ouvrages, on croise des intimes, des amis ou des personnages entr'aperçus au cours d'une réception, comme l'abbé Mugnier, qui a bien voulu poser pour elle malgré son grand âge et sa cécité, Giraudoux, Sartre ou Morand. Elle en parle souvent avec émotion, toujours avec un sens aigu de l'observation.

Edmée de La Rochefoucauld est aussi engagée dans un combat : le féminisme. Dès 1927, elle dirige un journal, L'Union nationale pour le vote des femmes. Elle donne des conférences à travers le monde pour la défense légitime des droits de la femme. Son action dans ce domaine est résumée dans un ouvrage paru chez Flammarion, La femme et ses droits. De son père, propriétaire et directeur de La Revue de Paris, elle hérite d'un patrimoine qu'elle partage avec son second frère, André.

Dans les œuvres en prose, essentiellement d'inspiration philosophique, apparaissent des préoccupations morales. Dès 1945, Edmée de La Rochefoucauld s'interroge sur les capacités de notre monde à devenir meilleur. Cette question apparaissait déjà dans un petit ouvrage de 1931, Le Voyage dans l'esprit. Mais dans le livre paru à la fin de la seconde guerre mondiale, Les Moralistes de l'intelligence, l'auteur pose les jalons de petits essais ultérieurs qui feront le bilan de notre époque, comme Pluralités de l'être, en 1957. À l'éditeur Grasset, elle donnera trois méditations, Spectateurs, en 1972, De l'ennui, en 1976 et L'Acquiescement en 1978. Ce sont des réflexions sur l'importance du regard des autres et du regard porté sur soi-même, sur le combat contre l'ennui, sur l'acceptation de la vie et de la destinée quotidienne. Ils font de la duchesse de La Rochefoucauld un écrivain qui veut conscientiser ses contemporains et les inviter à comprendre l'importance de l'adhésion à la vie et aux merveilles qu'elle nous offre.

Trois autres volumes, des mémoires, paraissent en 1982, 1984 et 1989, sous le titre général de Flashes. Ce titre est symbolique. Ce sont des fragments de sa vie qu'Edmée de La Rochefoucauld nous livre, en les éclairant des coups de projecteurs de sa sensibilité et de sa vision personnelle. Des thèmes reviennent régulièrement : les contrastes entre le bonheur et la joie, partie intégrante de la nature humaine, les préoccupations qu'engendre l'histoire, la littérature et l'écriture, les découvertes du monde intérieur. Quelques portraits, ceux d'Herriot, de Blum, de Charles de Gaulle, complètent un ensemble qui apparaît comme l'héritage d'une personnalité qui a porté sur la société de notre siècle un regard réaliste, sans complaisance, mais aussi sans négativisme.

Edmée de La Rochefoucauld est morte le 20 septembre 1991. Elle avait été élue à l'Académie royale de langue et de littérature françaises le 10 novembre 1962.

– Jean Lacroix



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