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 |  |  | Grand prix des arts du spectacle 2024LauréatFlorian Pâque pour Sisyphes (Lansman, 2022). 
 
 JuryLuc Dellisse,  Paul Emond, Xavier Hanotte, Caroline Lamarche, Nathalie Skowronek. Autres finalistesLénaïc Brulé, Ricochet, LansmanValériane De Maerteleire et Thierry Debroux, Coiffeuse d’âmes, LansmanAlex Lorette, La ligne de partage des eaux, LansmanAurélie Vauthrin-Ledent, La question qui fauche (ou l’autre Othello), Les oiseaux de nuit.
 Extrait de l'argumentaire du juryNé en 1992, Florian  Pâque est également metteur en scène et acteur. Après une première formation  théâtrale à l’Académie César Franck de Visé et des études de philologie romane  à l’ULG, il suit à Paris le cours Florent, dans le cadre duquel il monte ses  premiers spectacles. Il anime aujourd’hui la compagnie Le Théâtre de l’Eclat. Déjà distingué par  l’Académie qui lui a décerné, en 2021, son Prix Découverte pour ses deux  premières pièces publiées, il vient de confirmer brillamment le développement  de son talent avec Sisyphes (Lansman Editeur), auquel lui est attribué  le Grand Prix des Arts du spectacle. «Cette  histoire est un mythe et tous les mythes s’écrivent au présent», déclare  un acteur dans le prologue de la pièce. Particulièrement cruel dans sa vision  de la condition humaine, le mythe de Sisyphe permet à Florian Pâque d’évoquer  la situation des plus précaires condamnés à ne jamais s’élever dans une société  en panne d’ascenseur social. Ce dont se fait l’écho l’absurdité d’une première  scène qui reviendra tel un refrain : on a beau pousser sur le bouton d’un  étage, à chaque fois qu’on sent monter l’ascenseur, puis que la porte s’ouvre,  c’est le rez-de-chaussée qui apparaît. Tel est le destin d’Hélène  et Benoît qui espèrent désespérément percer le plafond de verre les maintenant  dans l’adversité. L’auteur fait s’entrecroiser les époques et multiplie les  anachronismes pour raconter l’histoire de ce couple intemporel, paysans criblés  de dettes au Moyen Age, ouvriers privés d’emploi par l’arrivée du machinisme au  XIXe, travailleurs contemporains surexploités par l’ubérisation, toujours  maintenus au même niveau zéro, malgré leurs efforts incessants pour échapper à  un tel sort. On ne peut  qu’apprécier la façon dont Florian Pâque s’empare d’un tel sujet qui n’est pas  sans risque. Rien de lourd ou de pathétique dans sa façon de faire. Toute de  vivacité, l’écriture de Sisyphes varie sans cesse les registres narratifs  et les modes d’énonciation. Elle manie la férocité et le burlesque dès qu’elle  met en scène les relais du pouvoir, fonctionnaires, religieux, industriels,  voire aujourd’hui les algorithmes, et s’amuse bien souvent à grossir le trait  jusqu’à la farce. Elle passe sans transition à des dialogues où l’intimité du  couple est rendue avec tendresse et poésie. Elle ne craint ni l’arrêt réflexif,  ni l’adresse au public, comme dans le finale qui questionne une dernière fois  l’infernale répétition imposée par le mythe : «Sisyphe est-il vraiment  condamné à ne jamais s'élever?» Et si cela ne dépendait que de  nous ? suggère l’auteur. – Paul Emond |