Académie Royale de Langue et de Littérature Françaises de Belgique
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Francis Vielé-Griffin

Francis Vielé-Griffin / Photo © AML Membre étranger philologue du 5 décembre 1931 au 12 novembre 1937.
Successeur : Ventura Garcia Calderón
Fauteuil 39

Biographie

Né aux États-Unis, à Norfolk, dans l'État de Virginie, en pleine guerre de Sécession, le 26 mai 1863, Francis Vielé-Griffin est de souche protestante et de lointaine origine française. Son père a une formation d'architecte; les circonstances en font un général et un gouverneur militaire qui écrit des ouvrages théoriques sur l'art des conflits armés; sa mère est l'auteur d'un roman. Lorsque ses parents divorcent, Francis est confié à sa mère. Celle-ci choisit la France. Elle s'installe avec son fils à Paris en avril 1872. Un frère reste aux États-Unis; il deviendra romancier.

L'enfant a neuf ans, il ne parle pas le français, mais adopte très vite sa nouvelle patrie et sa culture. Il accomplit ses études au Collège Stanislas puis à l'École de droit. Il fait la connaissance d'Henri de Régnier et de Laurent Tailhade, et fréquente les mardis de Mallarmé qu'il considère comme un maître. Tout en conservant sa sérénité et son indépendance d'esprit, il apprend, au contact de son aîné, la vertu de la discipline morale et du désintéressement. Il éprouve aussi pour Verlaine une profonde admiration.

L'œuvre de Vielé-Griffin, essentiellement poétique, est celle du plus parfait représentant et théoricien du vers libre. En 1886, son premier volume, Cueille d'avril, reste de style traditionnel, prolongé par les recueils qui vont suivre : Les Cygnes et Ancæus (1887), Joies (1889) et Diptyque, deux ans plus tard. Mais ces tentatives n'ont de sens que dans la mesure où il veut faire évoluer le rythme et découvrir son langage personnel, basé sur la réalisation de la beauté par la liberté de l'expression. Il a une certaine tendance à l'anarchisme et il lui arrive même d'en prendre le parti, dans une revue engagée, Entretiens politiques et littéraires, qu'il dirige conjointement avec Paul Adam et Bernard Lazare de 1890 à 1893. Il donne à ce mensuel des poèmes, mais s'y livre aussi à la critique, vouée au Symbolisme.

Sans soucis matériels, comme André Gide qui deviendra l'un de ses amis, Vielé-Griffin partage son temps entre la capitale française où il sacrifie aux mondanités et ses quelques logis de Touraine où il aime se rendre pour apprécier l'harmonie des paysages et le calme des bords de la Loire. Il s'y sent à l'aise pour laisser libre cours à une inspiration qui n'est jamais prise en défaut, ainsi qu'en atteste une production abondante. Sa bibliographie comprend une trentaine de titres, dont la majorité fera l'objet d'une édition en quatre volumes, à tirage limité, entre 1924 et 1930.

L'amitié tient un grand rôle dans la vie du poète : après André Gide, rencontré pour la première fois en 1891, Francis Jammes compte au nombre de ses familiers et il entretient une correspondance suivie avec chacun d'eux. Dès 1895, plusieurs écrivains belges s'ajoutent à ses relations : Verhaeren, Ruyters, Vandeputte, Mockel, qui lui ouvrira les portes de La Wallonie, où le rejoindront bientôt d'autres plumes célèbres. Il offrira un de ses textes lyriques à La Jeune Belgique.

Vielé-Griffin est un poète qui fait autorité en cette fin de siècle. De 1893 à 1900, il publie un recueil chaque année, parmi lesquels s'imposent La Chevauchée d'Yeldis et autres poèmes (1893), Le Rire de Mélissa (1896), La Partenza (1899), et La Légende ailée de Wieland le forgeron (1900). C'est sans doute dans La Partenza, un ensemble de vingt-trois strophes, que l'écrivain a atteint le sommet de son art, laissant s'enchevêtrer dans un lyrisme éperdu l'amour de la vie et l'attirance de la mort. Il a désormais trouvé son rythme intérieur, celui qu'il revendique pour assurer au vers libre la densité, la nuance, la mélodie qui émergent du plus profond de son être secret. Même s'il lui arrivera encore d'utiliser la rime (par exemple, en 1923, dans Le Domaine royal), il s'impose en indiscutable chef de file de la forme souple. La richesse de son œuvre réside dans de grands accents de sincérité, qui savent trouver leur source dans la joie et la douleur, la nature, les vieilles ballades populaires, le souvenir des mythes antiques et les accents profonds des légendes du Nord, auxquels il ajoute fréquemment une dimension épique ou dramatique. Sans mièvrerie, Vielé-Griffin tend vers une unité, au service de ce que certains critiques ont appelé la transparence. Si des avant-gardistes rejetteront ce qu'ils considèrent comme un trop grand dédain des formes nouvelles, Aragon, Éluard et Breton salueront en lui l'élévation et la noblesse du discours.

Après 1900, Vielé-Griffin ne ralentit pas le rythme de ses publications. Même s'il collabore au Mercure de France ou à L'Ermitage, à L'Écho de Paris, à La Nouvelle Revue française ou à La Phalange, et participe à l'aventure d'Antée, qu'il envisage un moment de reprendre, il écrit de nouveaux recueils, notamment L'Amour sacré (1903), Sapho (1911) et l'année suivante, La Lumière de Grèce, un vibrant hommage à l'Antiquité. L'année où la première guerre mondiale éclate, il fait paraître Voix d'Ionie; pendant la durée du conflit, il réside dans sa propriété de la Thomasserie, près d'Amboise. Après les hostilités, de moins fréquents volumes verront le jour comme La Rose au flot (1922), Saint François aux poètes (1927) et Le Livre des reines (1929). Mais il n'a pas oublié sa terre d'origine ni la langue de son enfance : avant 1914, il a traduit Stephen Crane et Swinburne, leur conférant une audience dans le monde francophone. Il en fait de même pour Walt Whitman en 1918. La réédition de ses œuvres, de 1924 à 1930, fait penser à un couronnement de cette existence vouée à la poésie; il consacre ses dernières années à la rédaction de souvenirs d'enfance et de jeunesse, qui connaîtront une édition posthume.

Francis Vielé-Griffin est mort à Bergerac, en Dordogne, le 12 novembre 1937. Il est enterré au cimetière du Père la-chaise à Paris, avec sa mère Térèsa Sands-Viélé. II avait été élu à l'Académie royale de langue et de littérature françaises le 12 décembre 1931.

– Jean Lacroix



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