Académie Royale de Langue et de Littérature Françaises de Belgique
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Composition


Philippe Jones

Philippe Jones / Photo © Jean-Luc Lossignol, ARLLFB Membre belge littéraire du 9 avril 1983 au 9 août 2016
Prédécesseur : Herman Closson
Successeur : Véronique Bergen
Fauteuil 11

BIOGRAPHIE

Historien de l'art, critique d'art, poète, nouvelliste, essayiste, Philippe (Roberts) Jones construisit une oeuvre qui se singularise par l’alliance de différents champs de création. Homme de passion autant que d’érudition, il naît à Ixelles le 8 novembre 1924. En 1943, son père d’origine anglaise, une figure majeure de la Résistance, est fusillé par les nazis. S’engageant à dix-neuf ans dans l’Armée secrète, officier de liaison auprès de l’armée britannique, il s’inscrit à la sortie de la guerre à l’Université libre de Bruxelles, en droit d’abord, ensuite en histoire de l’art et archéologie. Défendu à l’ULB en 1955, son doctorat porte sur la caricature et la presse satirique : De Daumier à Lautrec. Essai sur l’histoire de la caricature française entre 1860 et 1890. Poursuivant de front création poétique (sous le nom de Philippe Jones) et études, essais sur l’art (sous le nom de Philippe Roberts-Jones), il publie en 1947 Le Voyageur de la nuit, un premier recueil poétique qui, habité par la mort du père, impose d’emblée une voix. Quête de l’harmonie, jeu du dire et du silence, importance de l’œil, attention aux frémissements de l’être, mise en forme d’une poétique du regard : le recueil auroral annonce les interrogations futures portant sur l’image (image visible et image verbale). Son dialogue incessant, son amitié avec les plasticiens (Lismonde, Van Lint, André Willequet, Magritte…) se traduira d’une part dans ses essais sur l’art, d’autre part dans la voie du poème.

Il sera nommé conservateur en chef des Musées royaux des Beaux-Arts (1961-1984) et œuvrera à la création d’un Musée d’art moderne inauguré en 1984. En 1957, chargé de cours à l’ULB, il créera la sous-section d’art contemporain en 1969. Professeur ordinaire en Histoire de l’Art de 1962 à 1989, il publie de nombreux ouvrages marquants : Du réalisme au surréalisme (1969), La Peinture irréaliste au XIXe siècle (1978), Magritte poète visible (1972), Lismonde (1977), Van Lint (1983), André Willequet ou la multiplicité du regard (1985).

L’année 1974 consacre son élection à l’Académie royale des Sciences, des Lettres et des Beaux-arts de Belgique. Élu le 9 avril 1983 à l’Académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique, il sera secrétaire perpétuel de l’Académie royale des Sciences, des Lettres et des Beaux-Arts de Belgique de 1984 à 1999, membre de l’Institut de France (1986), de l’Académie des sciences de Hollande (1985), de l’Académie Mallarmé (1989).

Sa poésie et ses récits creusent une série de motifs déclinés sous un double registre, celui de la sensation et celui du concept. Au nombre des motifs récurrents, le temps, l’image, l’espace, la nature, les paysages, les saisons, l’enfance, la mémoire, l’amour, le désir. À l’écart des modes, n’adhérant ni aux expérimentations formelles des avant-gardes, ni à la truculence d’une certaine «belgitude», Philippe Jones ancre son verbe dans une attention à la matière, à la nature vues comme un terreau fécondant les sens et l’esprit. Seul un arbre (1952), Quatre domaines visités (1958), Graver au vif (1971), Paroles données (1981), Image incendie mémoire (1985), Le Temps hors le temps (1994), Au-delà du blanc (2007)… Couvrant un demi-siècle, ses recueils privilégient l’épure, le resserrement de la pensée dans une esthétique de la concision et de la fulgurance imagée qui rappelle René Char. Partisans de l’aphorisme, tous deux célèbrent les règnes du vivant, l’arbre, les oiseaux, la cathédrale de la nature.

Prolongeant le discours des choses muettes, son verbe se reconnecte aux murmures de la nature. L’horizon de son geste poétique est celui du voyage, du cheminement vers l’inconnu. Nouant démarche poétique et aventure conceptuelle, cette œuvre poétique est tendue vers l’altérité, vers l’autre rivage, pensée et vécue comme adresse au lecteur, aux disparus. Ni évocation du vécu intime, ni convocation des événements de l’Histoire, ni grandes orgues du lyrisme, ni veine exploratoire, sa démarche s’apparente parfois à une poésie objective, proche de celle de Francis Ponge.

Parole des confins, sa poésie dialogue avec l’ici-maintenant, avec les plis du monde, mais aussi avec le disparu, l’ailleurs. Elle se tient au confluent d’une attention à l’immanence du présent, des phénomènes naturels et d’une ouverture à ce qui s’enfuit. Recueils poétiques et nouvelles attestent l’importance du voir en tant que révélation de ce qui est, et de ce qui n’est plus ou n’est pas encore. Le verbe de Philippe Jones se tient sur le fil où l’énigme du dicible chemine avec l’énigme du visible, sans que leurs différences respectives soient effacées.

Les nouvelles, les fictions (L’Embranchement des heures, Le Double du calendrier, L’Angle de vue, L’Instant multiple, L’Ombre portée) publiées à partir des années 1990 s’offrent comme le troisième hémisphère de l’univers jonesien. Forme brève, rigueur de l’écriture, art de l’ellipse, absence de déroulement narratif… comme l’attestent trois des titres, la problématique du temps y est centrale. Chronos s’impose comme un des personnages majeurs. Par le basculement dans des temporalités divergentes, la disposition narrative optant pour des scènes coupées de leurs origines et de leurs aboutissements, les nouvelles libèrent ce qu’Alain Bosquet nomme des «instantanés de l’aléatoire». Une ambiance de réalisme magique se met en place, laquelle se manifeste par une perte des repères, un enveloppement de mondes distincts qui témoignent d’un point de crise, des déséquilibres qui menacent l’ordre des formes.

Infatigable chercheur, poète de la question davantage que de la réponse, Philippe Roberts-Jones décède à Uccle le 9 août 2016. Son élégance et sa générosité étaient tout à la fois celles de l’homme et celles du penseur, celles du personnage public et du personnage privé. Son érudition laissait place au doute, s’accompagnait d’une ouverture à l’autre, aux infinies manifestations du monde des formes.

– Véronique Bergen



BIBLIOGRAPHIE
(Les essais de Philippe Jones sont signés Philippe Roberts-Jones)

Le Voyageur de la nuit, poésie, Bruxelles, La Maison du Poète, 1947, préface de Mélot du Dy.

Grand Largue, poésie, Bruxelles, La Maison du Poète, 1949.

Seul un arbre, poésie, Paris, Librairie Les Lettres, 1952.

Amour et autres visages, poésie, Paris, Librairie Les Lettres, 1956 (augmenté de «Jusqu'aux limites accordées», publié dans les Cahiers du Sud, n° 349, Marseille, 1958).

La Presse satirique illustrée entre 1860 et 1890, essai, Paris, Institut français de Presse, 1956.

Quatre Domaines visités, poésie, Bruxelles, L'Atelier du Livre, 1958.

«Extrait d'un bloc-notes», poésie, Bruxelles, Marginales, décembre 1958.

De Daumier à Lautrec, essai, Paris, Les Beaux-Arts, 1960.

La Caricature du Second Empire à la Belle Époque 1850-1900, essai, Paris, Le Club français du Livre, 1963.

Daumier. Moeurs conjugales, essai, Paris, Vilo, 1967.

Ramah, essai, Bruxelles, Meddens, 1968.

Du réalisme au surréalisme, essai, Bruxelles, Laconti, 1969.

Graver au vif, poésie, Lausanne, Rencontre, 1971 (augmenté de textes publiés dans Marginales, Bruxelles, juin-juillet 1971).

Jaillir saisir, poésie, Bruxelles, Le Cormier, 1971.

Magritte poète visible, essai, Bruxelles, Laconti, 1972.

Être selon, poésie, Bruxelles, Le Cormier, 1973.

Le Sens et le fleuve, poésie, Braine-le-Comte, Lettera Amorosa, 1974.

Bruegel. La chute d'Icare, essai, Fribourg, Office du Livre, 1974.

L'Art majeur, Bruxelles, essai, Jacques Antoine, 1974.

Racine ouverte, poèmes 1944-1975, poésie, Bruxelles, Le Cormier, 1976, préface de René Char (ce volume, qui reprend les recueils précédents, est augmenté de Temps venant et De pas et de pierre).

Friedlaender. Tableaux, Bilder, Paintings, essai, Stuttgart, Manus Press, 1976. Lismonde, essai, Bruxelles, Laconti, 1977.

La Peinture irréaliste au XIXe siècle, essai, Fribourg, Office du Livre, 1978.

D'un espace renoué, poésie, Bruxelles, Le Cormier, 1979.

Paroles données, poésie, Bruxelles, Le Cormier, 1981.

L'Alphabet des circonstances. Essais sur l'art des XIX etXXe siècles, essai, Bruxelles, Académie royale de Belgique, 1981.

Van Lint, essai, Bruxelles, Ministère de la Communauté française, 1983.

René Carcan, essai, Bruxelles, Les Éditeurs d'art associés, 1984.

André Willequet ou la multiplicité du regard, Bruxelles, Labor, 1985.

Image incendie mémoire, poésie, Bruxelles, Le Cormier, 1985.

Jos Albert, essai, Bruxelles, Lebeer-Hossmann, 1986.

D'encre et d'horizon, poèmes 1981-1987, poésie, Paris, La Différence, 1989.

L'Embranchement des heures, fiction, Paris, La Différence, 1991.

Le Double du calendrier, fiction, Paris, La Différence, 1993.

Toi et le tumulte, poésie, Bruxelles, Le Cormier, 1993.

Le Temps hors le temps, poésie, Bruxelles, Le Cormier, 1994.

Image donnée, image reçue, Bruxelles, essai, Académie royale de Belgique, 1989.

Octave Landuyt. Aurum Flandriae, essai, Zellik, Roularta Art Books, 1994.

Bruxelles fin de siècle (sous la dir. de), essai, Paris, Flammarion, 1994.

Du réalisme au surréalisme, nouvelle éd., essai, Bruxelles, Cahiers du Gram, Université Libre de Bruxelles, 1994.

Ivan Lackovic Croata, gravures, essai, Zagreb, Belus, 1994.

La Peinture abstraite en Belgique 1920-1970, essai, Bruxelles, Crédit Communal, 1996.

L'Art au présent. Regards sur un demi-siècle (1960-1990), essai, Bruxelles, La Lettre volée, 1996.

Signes ou traces. Arts des XIXe et XXe siècles, Bruxelles, essai, Académie royale de Belgique, 1997.

Pierre Bruegel l'Ancien (en collaboration avec Françoise Roberts-Jones), essai, Paris, Flammarion, 1997.

Le soleil s'écrit-il soleil, poésie, Bruxelles, Le Cormier, 1997.

L'Angle de vue, fiction, Paris, La Différence, 1997.

L'Art pour qui, pour quoi?, essai, Bruxelles, Labor, 1999.

L'Instant multiple, fiction, Paris, La Différence, 2000.

Le Miroir et le vrai, poésie, Echternach, Phi, 2001.

Domaines en cours, poésie, Bruxelles, Le Cormier, 2001.

Chansons doubles, poésie, Châtelineau, Le Taillis Pré, 2002.

Jacques Moeschal ou la sculpture architectonique, essai, Bruxelles, CFC-Éditions, 2002.

L'Ombre portée, fiction, Paris, La Différence, 2003.

«Le fait des autres», fiction, Marginales, n° 252, hiver 2003.

Le Jour venant, poésie, Bruxelles, Le Cormier, 2004.

«Toile pour un été», fiction, Marginales, n° 254, été 2004.

«Le miel du temps», fiction, Marginales, n° 256, hiver 2004.

De l'espace aux reflets. Arts et lettres, essai, Bruxelles, Académie royale de Belgique, 2004.

Poésie 1944-2004, Paris/Bruxelles, Éditions de La Différence/Éditions de l'ARLLFB, 2005.

Fictions 1991-2004, Paris/Bruxelles, Éditions de La Différence/Éditions de l'ARLLFB, 2005.

Au-delà du blanc, poésie, Bruxelles, Le Cormier, 2008.



E-BIBLIOTHÈQUE

Les Rets de la Mazarine (PDF 80Ko)
Communication à la séance mensuelle du 12 juin 1993

Mélot du Dy revisité (PDF 92Ko)
Communication à la séance mensuelle du 9 décembre 2000

Alain Bosquet et l'art contemporain (PDF 87Ko)
Communication à la séance mensuelle du 9 mars 2002

Réflexion sur un double regard (PDF 65Ko)
Communication à la séance mensuelle du 10 décembre 2005

La création et l'image (PDF 72Ko)
Communication à la séance mensuelle du 14 mai 2011



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