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Œuvres poétiques complètes. Tome 3 (1969-1977)
de Marcel Thiry

Marcel Thiry - Oeuvres poétiques complètes. Tome 3 (1969-1977)

Genre : Poésie
Format : 14 x 19,5 cm
Nombre de pages : 556 p.
Date de publication : 1997
ISBN : 2-8032-0023-6
Prix : 12,39 €

À propos du livre

Les six derniers recueils de Marcel Thiry, réunis dans ce troisième et dernier volume des Œuvres poétiques complètes, accentuent encore l'évolution constatée depuis Vie Poésie. Désormais, l'écoulement du temps, l'approche de la mort et la confession d'une solitude illuminée par la mémoire des bonheurs perdus occupent la pensées et les jours du poète. La diversité de l'expression se fonde sur l'alternance des quelques-uns de ces grands poèmes à programme que marcel Thiry appelait des proses, avec une multiplicité de « petits sujets » nés des hasards d'une vie quotidienne libérée de l'esclavage anxieux qui l'écrasait naguère : la moindre étincelle de vie jaillie de la lointaine enfance, telle notation de voyage, l'opéra fabuleux des saisons, le souvenir de ses mortes, et, surtout, la louange permanente de la Poésie, reine du monde, gouvernent l'inspiration de la fin de sa vie.

Lire un extrait

J'écris du cap le plus nord-nord-est de la France…

J'écris du cap le plus nord-nord-est de la France.
J'écrirai de ce cap mis hors France, à ma France.

Ici elle est la finissante de la naissante.
Ici elle s'achève ou bien elle commence.
Elle termine, elle a voulu parfaire ici
L'ourlet de son manteau de terres, le récit
Des monts, des vals, des ciels, des villes, de l'histoire.
Elle commence pour ceux-ci du promontoire.
Ils sont cernés de trois côtés par un autre grand élément,
Battus, mais bien piétés sur le sol de la marche,
Par trois flux d'allemand, de flamand, néerland,
Mais tournés, comme s'ils étaient prêts pour la marche
En avant, dans la certitude et dans l'élan,
Vers la France aux midis pleins d'appels qui commence.

Ô cap, de trois côtés aux ressacs de la mer,
Cap aux trois fronts de mer sur la mer Germanie,
Cap en étrave de notre amour dans les airs,
Cap en triangle qui pénètre, l'avancée
Du grand vaisseau gréé de langage et pensée
Et passé, qui aurait ancré ici, proue engravée,
Pour mieux rester lui-même entre les ressacs, tel,
Ô vaisseau France dont voici le cap, ô tel!

(Je ne peux pas ne pas me rappeler Claude,
Qui, sans penser alors à nulle Germanie,
Sut entendre que la mer vague fait ia ia.)

Tourné vers le pays sonnant oui qu'il y a,
J'écris avec ma ville française à ma droite,
La dernière ville française avant le ja.
D'ici un matin je la vie monter sous les bombes toute droite
Jusqu'au ciel, et redescendre en nuage de brique rouge.

En France aussi, France, je l'avais vue
Bondir au ciel tuée, et puis retomber rouge
De tout son sang sur toute sa sainte étendue
Et elle vit plus magnifique,
et ainsi Liège
S'est retrouvée à rechanter son chant, et à
Refaire heureusement le nœud de ses rivières.

Dos aux trois mers battant l'avancée angulaire,
Voici notre balcon tourné au sud, peuplé
De plus de morts que de vivants pour contempler,
Dans ses fraternités lointaines, la Belle patrie.
Il y a de ces morts qui sont plus grands, qui prient
La prière de tous plus immortellement,
Qui lui prêtent l'accent immortel des aèdes,
Plisnier, Mockel («ton chant c'est le chant des Français»),
Plisnier, Mockel, et leur véhément évangile
Si clair que la parole en est presque inutile
Sinon qu'elle vient exalter
Notre croyance originellement française
En la certification par la Beauté…
D'ici l'on ne s'est jamais trompés sur la France.
On dit : «C'est un malheur d'être nés des sevrés,
Distants d'elle en étant si prochains, séparés
Par des hasards de Waterloos et de naissance…»

Un malheur? NON, si c'est pour mieux la voir, l'avoir
Mieux, l'ayant de ce cap, ce balcon, la savoir
Toute, et la concevoir toute dans sa constance;
Non, peut-être, si c'est pour pouvoir témoigner.
On ne témoigne que d'une amour éloignée.
Ici l'on est d'elle et hors d'elle pour pouvoir
Être plus irréfutablement de la France.

(J'écris du cap le plus grand nord de l'existence.
Il est temps. Faire un cairn à garder mon écrit.)

Mais que les grandes Ys de la mer entourante
N'aillent pas jalouser qu'on ne les aime pas.

On les entend, les sous-marins alléluias,
Concert dans Amsterdam de l'aquarium de son musée,
Alkmaar qui sonne encor la liberté qu'elle a fondée,
Et votre chœur, les nixes du Rhin, votre appel,
Filles-fleurs sous les eux, quand même que le ja
Jappait dur pour scander l'invasion bourrelle

- Et puis Anvers, Anvers que je vois dans l'alors,
La prodiguée Anvers qui voulait bien encor
Se conter par son lied français des noms de rue,
Ô Longue-rue-d'Argile et toi, Canal-au-Sucre,
Anvers toujours pour moi cette maison trouvée
Où des soldats revenant de la guerre
Avaient chacun leur fiancée assise comme en étagère,
Dans un désordre frais de nues épaules différentes,
Sur les marches d'un large escalier d'espérance…

N'entend-on pas toutes les mers, du cap de France?

Vous cependant, puisque c'est à vous que j'écris,
Vous qui ne pouvez pas vous voir être la France
Puisque vous êtes dans la France, laissez-nous
Vous crier de loin que nous sommes sûrs de vous.
C'est bien que vous viviez insoucieux de nous,
Car ce qu'il faut c'est que vous viviez, que la France
Vive par vous, et nous savons très bien que notre frange
Est si peu au manteau immortel de la France.
Un jour pourtant, peut-être un grand soir, un matin,
Surpris d'avoir senti remuer ce destin
Comme une femme sent vouloir l'enfant qui bouge,
Ne tournerez-vous par un jour à votre tour
Vos visages vers ce balcon, n'entendrez-vous
Ce cri du cap le plus nord-nord-est de la France?

Table des matières

Saison cinq et quatre proses (1969)
Attouchements des sonnets de Shakespeare (1970)
L'Ego des neiges (1972)
Songes et Spélonques (1973)
L'Encore (1975)
Lettre du cap (1977)

Corrections et variantes, par Christian Delcourt


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