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Une revue catholique au tournant du siècle : Durendal 1894-1919
de Françoise Châtelain

Françoise Châtelain - Une revue catholique au tournant du siècle : Durendal 1894-1919

Genre : Essai
Format : 16 x 24,5 cm
Nombre de pages : 90 p.
Date de publication : 1983
Prix : 7,40 €

À propos du livre (texte de l'Introduction)

Lorsqu'on parcourt une histoire de la littérature belge de langue française, le chapitre consacré à cette époque particulièrement florissante, qui va de 1880 à la première guerre mondiale, frappe par l'éclosion soudaine de revues littéraires qui suivirent l'exemple de la Jeune Belgique. Dans la liste de ces revues plus ou moins éphémères, l'attention est attirée par la longévité surprenante de l'une d'elles, Durendal, revue catholique d'art et de littérature.

Ce mensuel catholique parut pendant vingt ans, de 1894 à 1914, alors que la Jeune Belgique ne sortit de presse que durant seize années et que la Wallonie disparut au bout de sept ans. Quelle recette a donc permis à Durendal de garder si long-temps ses lecteurs? Et une seconde question vient à l'esprit : à quoi pouvait bien s'intéresser une revue littéraire catholique à un moment où la littérature catholique semble inexistante? Qui a fondé Durendal? Quels étaient ses objectifs? Autant de questions sur lesquelles bien peu de critiques ou d'historiens littéraires se sont penchés.

En faut-il davantage pour désirer examiner avec un peu d'attention cette revue et la sortir de l'oubli, comme ce fut fait autrefois pour la Jeune Belgique et la Wallonie?

C'est ce que nous allons essayer de faire : rechercher les origines de la revue, découvrir son but, analyser la manière dont elle l'atteignit et les raisons qui la maintinrent en vie au-delà de la durée moyenne d'existence des revues littéraires belges.

Ce travail ne se veut pas exhaustif: beaucoup d'aspects devront malheureusement rester ignorés, principalement certains problèmes plus particulièrement artistiques qui sortent de nos compétences par leur caractère trop technique. Nous ne proposerons pas non plus, dans chaque chapitre, un relevé détaillé de tous les articles parus dans Durendal et traitant du sujet mais seulement les extraits les plus significatifs.

La présentation typographique de la revue, son illustration de plus en plus abondante et le sommaire de chaque numéro ne nous paraissent pas mériter de longs développements. Il suffit de savoir qu'en 1894 chaque numéro comptait vingt pages, tandis que ce nombre était passé à soixante en 1914.

Lire un extrait

Début de LE CONTEXTE HISTORIQUE

Il importe avant toute chose de définir le climat politique dans lequel allait se développer Durendal et, pour cela, il faut remonter à une année cruciale pour le parti catholique (et aussi pour la vie politique belge en général) : 1888.


1. Le parti catholique à partir de 1888

En cette année lourde d'agitations ouvrières, les catholiques sont au pouvoir dans le gouvernement Beernaert ; mais déjà la division s'est installée en son sein : en face de l'aile ultra-conservatrice de Charles Woeste, se développe une minorité démocrate. Quant à l'opposition, elle réunit libéraux et socialistes. Les difficultés auxquelles Beernaert doit faire face sont nombreuses : son parti, anti-militariste, s'oppose au service militaire personnel que certains souhaiteraient voir instauré en Belgique; les Flamands réclament davantage de droits et des projets de loi ont d'ailleurs été déposés en leur faveur. Mais le problème le plus urgent est certainement celui d'une réforme électorale que tout rend nécessaire. Tâche ardue à laquelle Beernaert va s'atteler sans plus tarder.

Quelles solutions s'offrent à lui? Les socialistes et certains libéraux demandent purement et simplement le suffrage universel; Woeste y est résolument opposé.

En 1890 enfin, une première proposition est soumise aux parlementaires. C'est le roi qui l'a formulée : il s'agirait du suffrage censitaire, à l'application duquel on joindrait différentes réformes propres à accroître le pouvoir royal : création d'une police d'Etat émanant directement du pouvoir central, renforcement du Sénat dans un sens conservateur, droit de référendum accordé au roi.

Cette proposition se heurte au véto catégorique de Woeste et des cercles catholiques : pris entre le roi et son parti, Beernaert propose un autre type de scrutin, proche du système électoral anglais : 450 000 électeurs. La droite refuse d'abord, hésite, tergiverse… Finalement, malgré l'opposition de Woeste, elle se résigne et accepte. On croit la question réglée mais il n'en est rien.

En 1892, Janson réclame à nouveau le suffrage universel; en mai, la revision des articles 47 (sur le droit de suffrage), 26 (à propos du référendum royal) et 48 (sur la représentation des minorités) est décidée malgré de nouvelles difficultés.

Plusieurs suggestions sont alors avancées : la droite défend le vote rural, basé sur l'habitation, les libéraux doctrinaires se prononcent pour un vote basé sur le capacitariat et le cens de dix francs; quant aux radicaux, ils réclament à nouveau le suffrage universel.

Le gouvernement, après avoir tenté une alliance avec les libéraux doctrinaires et essuyé un échec, essaie de s'entendre avec les radicaux et propose le suffrage plural, tout en repoussant une autre proposition des libéraux doctrinaires : le vote plural selon les études. Woeste dont la position s'était, on se le rappelle, écartée de celle du gouvernement, se rapproche alors des libéraux doctrinaires. Mais toutes les propositions sont repoussées, tandis que l'antagonisme entre Woeste et Beernaert s'accentue et que la population s'agite de plus en plus. Craignant dès lors que le contrôle du mouvement ne leur échappe et que l'appui des radicaux ne leur fasse défaut, les chefs du P.O.B. (Parti Ouvrier Belge) se prononcent pour le vote plural. Le lendemain, 18 avril 1893, la droite cède également et le suffrage universel plural basé sur la famille, l'instruction et le capital est adopté ; le vote est rendu obligatoire, le référendum royal est repoussé.

C'est la paix, semble-t-il. Une trêve bien précaire en réalité puisque, dès l'année suivante, une nouvelle difficulté surgit : la représentation proportionnelle. Dans le même temps, les divergences entre Woeste et Beernaert aboutissent à la démission de ce dernier : on va vers de nouvelles élections au lendemain desquelles on pourra juger des retombées du suffrage universel. Le nombre des électeurs est en effet passé de 137.772 à 1.381.000.

Les catholiques sortent grands vainqueurs du scrutin et remportent 104 sièges. Leur programme est nouveau : orthodoxie religieuse et respect de la liberté constitutionnelle bien sûr, mais aussi liberté de l'enseignement, une certaine forme de décentralisation et une politique sociale dont le but déclaré est de barrer la voie aux socialistes. On voit aussi naître un groupe démocrate-chrétien, alors que le parti est de plus en plus miné par l'opposition entre l'immobilisme de Woeste et les idées démocratiques de la jeune génération. Un nouveau parti dissident se crée même, à l'initiative de deux prêtres qui combattent les idées de Woeste, mais ce groupement sera vite condamné.

Les libéraux — les grands vaincus — ne conservent que 14 sièges. Bien qu'ils s'adressent toujours à la même clientèle et s'opposent toujours à l'intervention de l'Etat dans les relations entre le capital et le travail, ils soutiennent désormais le suffrage universel pur et simple et envisagent une réforme de l'armée (ce que refusent absolument les catholiques). Les nouveaux chefs sont progressistes et semblent se rapprocher des socialistes; rien de très étonnant dès lors si l'on voit de vieux libéraux provinciaux quitter les rangs de leur parti pour rejoindre les catholiques.

Les socialistes enfin remportent 34 sièges, essentiellement en Wallonie et deviennent ainsi une force politique avec laquelle il va falloir désormais compter. Ils proposent un vaste pro-gramme politique et social.

Avec le suffrage universel, voici donc la carte politique de la Belgique totalement remaniée : jusqu'ici les deux partis «traditionnels» s'étaient succédé plus ou moins régulièrement à la tête du pays; il n'allait plus en être de même. Les élections de 1894 laissaient en effet le parti libéral en totale perdition; quant aux catholiques, ils se devaient de remédier au plus vite aux dissensions internes susceptibles de les affaiblir au moment où ils allaient devoir se réorganiser pour faire face aux nouvelles circonstances politiques et résister à la montée du socialisme.


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