Académie Royale de Langue et de Littérature Françaises de Belgique
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Composition


Marthe Bibesco

Marthe Bibesco / Photo © Paul Hellyn Membre étranger littéraire du 8 janvier 1955 au 28 novembre 1973.
Prédécesseur : Édouard Montpetit
Successeur : Mircea Eliade
Fauteuil 37


BIOGRAPHIE

Née en Roumanie, à Bucarest, le 28 janvier 1886. Marthe Bibesco a six ans lorsque son père Jean Lahovary, qui a épousé une jeune femme de la noblesse, est nommé diplomate à Paris et y installe sa famille. Tout en restant fidèle à ses racines, Marthe se crée un nid spirituel dans sa nouvelle patrie. À son arrivée, elle pratique déjà couramment la langue française. Sa mère en était une adepte fervente. Ce n'est que plus tard qu'elle apprendra le roumain. Ses souvenirs d'enfance seront empreints de tristesse. Elle a deux sœurs et un frère; celui-ci meurt à l'âge de dix ans, laissant les siens inconsolables. D'autres drames la marqueront plus tard : une de ses sœurs mettra fin à ses jours en 1918, et deux ans plus tard, sa mère accomplira le même geste fatal.

Même si Anna de Noailles, sa cousine, qui ne l'aimait pas beaucoup, mettra un jour en doute la pureté de certaines alliances familiales, elle devra s'incliner devant les quartiers de noblesse du prince Georges Bibesco, fils de la princesse de Chimay, que Marthe épouse, à seize ans seulement, en 1902. C'est à cet âge-là qu'elle commence à fréquenter les salons.

La princesse Bibesco rédige le compte rendu d'un voyage en Perse, où elle a accompagné son mari, infatigable voyageur, qui deviendra l'une des grandes figures de l'aéronautique naissante. Les Huit Paradis (1903) est récompensé par l'Académie française. Maurice Barrés l'incite à persévérer. Marthe s'adonne alors à la poésie, et publie, en revues, des sonnets.

La princesse cherche à plaire dans les salons, mais sans ostentation conquérante. Sa vie affective est bouleversée par sa mésentente avec son mari et elle sera le plus souvent seule désormais, au gré d'une existence romanesque. Une rencontre va influencer sa destinée littéraire : à un dîner, elle a pour voisin de table l'abbé Mugnier. Ce dernier a l'occasion d'apprécier la jeune Roumaine, chez qui l'esprit le dispute à la beauté.

Mais l'Europe est à la veille de s'ensanglanter et de disperser ces grandes familles qui ont des attaches dans tous les pays. Marthe est déchirée entre l'Occident et les Balkans. Elle voue au Kronprinz, fils de l'empereur d'Allemagne, une grande amitié. Leur correspondance, longue et passionnée, est interrompue par la première guerre mondiale, car le Kronprinz est devenu l'ennemi, et Marthe la proie de rivales qui l'attaquent et la couvrent de sobriquets insultants. En 1915, il ne reste plus que l'abbé Mugnier pour la soutenir. Un autre défenseur va apparaître : Henry de Jouvenel, que Marthe détourne de Colette.

Avant 1923, où elle publie Isvor, le pays des saules, ouvrage consacré à la Roumanie, la princesse ne fait qu'effleurer les lettres. Sa carrière commence réellement avec la parution, en 1924, du Perroquet vert, peinture de milieux russes en exil, salué comme une révélation par de célèbres auteurs : les frères Tharaud, Max Jacob, l'abbé Bremond et Mauriac, qui dit qu'elle est la vraie héritière de Barrès. La princesse montre face à ces louanges beaucoup de maturité. Son intuition ne la trompe pas, il y a corrélation entre l'élégante beauté de la mondaine et la qualité de son écriture, sa grâce naturelle conférant à son style fermeté et légèreté. Un autre livre va consacrer l'écrivain, un roman largement autobiographique, Catherine-Paris, en 1927. Elle y fait preuve de réels dons littéraires, observe sans pédanterie, et son écriture a d'heureuses tournures qui la font comparer à La Bruyère.

Dès ce moment, elle publie beaucoup. En 1928, c'est un premier essai : Au bal avec Marcel Proust. Elle a rencontré ce dernier occasionnellement et publiera en 1949 sa correspondance au duc de Guiche (Le Voyageur voilé). Suit un recueil d'articles parus dans Vogue : Noblesse de robe, où elle dépeint les milieux de la mode. Elle accomplit des voyages et en rapporte des récits : Jour d'Égypte en 1929, et des lettres de Terre sainte, en 1930, Croisade pour l'anémone. Sous le pseudonyme de Lucile Decaux, elle se lance dans le feuilleton populaire. Ce seront, entre autres, Marie Walewska puis Katia, immortalisée au cinéma par Danielle Darrieux. Marthe Bibesco écrit un conte, Turquoise, un roman : Égalité, en 1935, qui aura moins de succès, et de nouveaux essais. Images d'Épinal, en 1937, et Feuilles de calendrier, en 1939, sont consacrés à ses relations mondaines et politiques. Dans la même ligne, elle produira plusieurs textes ayant pour sujets Élisabeth II, Churchill ou de Gaulle.

La princesse Bibesco retourne souvent en Roumanie, où elle finit par s'installer, faisant à Paris, chaque fois qu'elle y revient, des séjours remarqués. La seconde guerre mondiale la surprend dans son pays; elle erre alors, d'Istamboul à Bucarest, avant de se fixer à Paris en 1945. Elle ne possède plus rien (ses biens sont confisqués par les communistes) et il faudra toute sa persévérance et le soutien de personnalités pour que sa fille puisse quitter la Roumanie avec son mari et ses enfants.

Désormais, pour vivre, elle doit se consacrer totalement à l'écriture. Elle compose des volumes à partir de correspondances conservées. Ce sera Le Confesseur et les poètes, livre dans lequel elle présente les échanges épistolaires entre l'abbé Mugnier, Cocteau, Proust, Valéry, Robert de Montesquieu et le poète anglais Baring. Échanges avec Paul Claudel est un hommage à un auteur qu'elle appréciait beaucoup. Mais c'est surtout La Vie d'une amitié, trois gros volumes (1951-1957), qui doit retenir l'attention. Il s'agit d'un ouvrage construit à partir de la correspondance qu'elle a reçue de l'abbé Mugnier.

Marthe Bibesco est élue à l'Académie royale de langue et de littérature françaises le 8 janvier 1955, en même temps que Jean Cocteau. Elle consacre les dernières années de sa vie au projet d'une vaste fresque en plusieurs volumes, liée à l'histoire de l'Europe, et dans laquelle interviendraient ses ancêtres. Seuls La Nymphe Europe, en 1960, et Où tombe la foudre, ouvrage posthume, verront le jour. La princesse Bibesco meurt à Paris le 28 novembre 1973.

– Jean Lacroix



BIBLIOGRAPHIE

Les huit paradis, Paris, Librairie Hachette & Cie, 1908.

Isvor, le pays des saules, Paris, Plon, 1923.

Le Perroquet vert, Paris, Grasset, 1924.

Catherine-Paris, Paris, Fayard, 1927.

Au bal avec Marcel Proust, Paris, Gallimard, 1928.

Noblesse de robe, Paris, Grasset, 1928.

La Turquoise, Paris, À l'Enseigne de la Porte Étroite, 1928.

Jour d'Égypte, Paris, Flammarion, 1929.

Croisade pour l'anémone, Paris, Plon, 1930.

Égalité, Paris, Grasset, 1935.

Marie Walewska, Paris, Grasset, 1936.

Images d'Épinal, Paris, Plon, 1937.

Katia, Paris, Gallimard, 1938.

Feuilles de calendrier, Paris, Plon, 1939.

Le Voyageur voilé, La Palatine, Genève, 1947.

La Vie d'une amitié (3 vol.), Paris, Plon, 1951-1957.

La Nymphe Europe. Livre I. Mes vies antérieures, Paris, Plon, 1960.

Le Confesseur et les poètes, Paris, Grasset, 1970.

La Nymphe Europe. Livre II. Où Tombe la Foudre, Paris Grasset, 1976.



BIBLIOGRAPHIE CRITIQUE

Ghislain de Diesbach, Marthe, princesse Bibesco, Paris, Perrin, 1999.



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