Académie Royale de Langue et de Littérature Françaises de Belgique
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Auguste Doutrepont

Auguste Doutrepont / Photo © Le Soir, Bruxelles Membre belge philologue du 19 août 1920 au 22 mars 1929.
Successeur : Émile Boisacq
Fauteuil 2

BIOGRAPHIE

Auguste Doutrepont naît le 6 décembre 1865, à Herve, dans une famille aisée de petits industriels de la chaussure. Comme son frère cadet Georges, futur professeur à Louvain, il prend cependant ses distances avec l'entreprise familiale et, après ses humanités, entre à l'École normale des humanités de Liège, où il suit l'enseignement de Maurice Wilmotte. C'est sous la direction de ce dernier qu'il réalise sa thèse, consacrée à la phonétique des Dialogues du pape Grégoire, pour laquelle il obtient avec grande distinction le titre de professeur agrégé en 1888.

Il consacre les années suivantes à parfaire sa formation à l'étranger. Il se rend d'abord à Florence auprès des professeurs Pio Rajna et Bartoli; il suit à Paris l'enseignement prestigieux de Gaston Paris, mais aussi celui de Jules Gilliéron, l'un des pères de la dialectologie. Enfin, durant l'année 1889-1890, il fréquente, comme étudiant et comme lecteur de français, l'Université de Halle-sur-Saale, et en particulier les cours d'Hermann Suchier. Ces années de perfectionnement sont aussi les plus productives d'Auguste Doutrepont : il collabore notamment à la rédaction du grand dictionnaire de Godefroy et donne à la Revue des patois gallo-romans de Rousselot et Gilliéron un ensemble de quinze noëls wallons, première esquisse d'un travail de plus grande ampleur qui verra le jour après la guerre. Mais l'œuvre majeure de cette époque reste son édition critique de La Clef d'amour, l'une des nombreuses variations sur L'Art d'aimer d'Ovide qu'avait laissées le Moyen Âge. Entamé à Florence sur un manuscrit incomplet et récent, poursuivi sous les auspices de Gaston Paris, qui lui avait fourni un manuscrit inédit, et édité à l'instigation d'Hermann Suchier, ce travail couronne ses années de formation tout en définissant déjà le profil du philologue; l'étude fait preuve d'une grande rigueur et de minutie, mais présente souvent un caractère timoré qui laisse en suspens certains problèmes ou empêche de trancher dans les cas difficiles.

Cette première publication d'importance permet à Auguste Doutrepont de briguer un poste de professeur à l'Université de Liège, qu'il obtient en mars 1891, soutenu par Maurice Wilmotte. À partir de cette date, sa vie prend un tour plus sédentaire : il épouse en 1895 une compatriote hervienne et se consacre essentiellement à ses enseignements, qu'il assure à plein temps, malgré une santé très fragile, jusqu'en 1923. Seule la première guerre vient interrompre cette activité et le contraint à une semi-retraite, tandis que ses deux fils partent rejoindre les forces belges combattantes.

D'un point de vue scientifique, son champ d'études se recentre progressivement sur l'aire wallonne, qu'il aborde sous les angles croisés de la littérature, de la philologie, de la dialectologie, de l'histoire et du folklore. Outre les nombreux comptes rendus qu'il continue à offrir à la revue Le Moyen Âge et sa collaboration à la Société internationale de dialectologie romane, où il représente la Belgique, il manifeste une prédilection pour les travaux courts et condensés : Légende de César en Belgique, rédigée avec son frère Georges (1894), Biographie de Charles Grandgagnage (1903), Histoire de la philologie romane en Belgique (1905), Henricourt et Salbray (1908). Deux travaux de grande dimension l'occupent néanmoins à cette époque : d'une part, la traduction, avec son frère Georges, de la monumentale Grammaire des langues romanes de Meyer-Lübke, dont Rabiet n'avait donné que le premier tome et à laquelle il se consacre jusqu'en 1909; d'autre part, son étude sur les Noëls wallons, qui fait le tour du genre et à laquelle il a travaillé jusqu'à la fin de sa vie, laissant un Complément à l'importante partie déjà publiée.

Parallèlement à ses travaux scientifiques, Auguste Doutrepont est également actif dans le domaine de la promotion de la culture wallonne. Il préside, à partir de 1913, la Commission dramatique pour l'encouragement de la littérature wallonne et son comité de lecture des ouvrages dramatiques wallons, où il s'efforce d'encourager et d'aider la création. En 1918, il prend également la succession de Victor Chauvin à la présidence de la Société de littérature wallonne, dont il avait été nommé membre effectif dès 1896. L'apport de Doutrepont est surtout remarquable par la mise en chantier du Dictionnaire général de la langue wallonne, ce travail gigantesque dont il fut davantage la caution scientifique que le véritable maître d'œuvre et qui, malheureusement, est resté à l'état de chantier. Il prend aussi position pour réclamer, entre autres, la création d'un musée de la vie wallonne ou l'instauration d'un cours d'histoire et de dialectologie du wallon à l'Université de Liège. Cet engagement conduit parfois ce catholique fervent, démocrate modéré et ennemi de la polémique, aux frontières de la politique, notamment dans l'après-guerre, où son opposition vive au flamingantisme lui fait parfois tenir des propos très durs et outranciers à l'encontre du mouvement flamand.

Lors de la création de l'Académie royale de langue et de littérature françaises en 1920, Auguste Doutrepont est désigné par le roi pour occuper l'un des sièges de la section de philologie. Il préside en 1927, mais, dès l'année suivante, l'aggravation de sa maladie, qui devait l'emporter le 22 mars 1929, l'oblige à renoncer à toutes ses activités.

Le professeur Auguste Doutrepont fut avant tout soucieux de transmettre des vérités sûres et des méthodes éprouvées; une prudence parfois excessive le tint souvent éloigné des renouvellements théoriques et le rendit peu soucieux d'apports originaux ou personnels. Il n'en reste pas moins qu'il s'inscrit dans la grande tradition philologique de l'Université de Liège qu'a inaugurée son maître Maurice Wilmotte, poursuivie par son successeur, Maurice Delbouille.

– Benoît Denis



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